lundi 3 mai 2010

Un pingouin chez les caméléons

Franchement, cette année, le millésime des pélerins, c'était du gros costaud. L'ami Christian nous avait concocté une course de malade: 110 kilomètres, 2500 m de dénivelé et 92 Et pour commencer:  levé 2h30 du mat, départ 4h.
On est trois caméléons. Je suis en solo.
Ca part assez vite. 70 lucioles qui courent dans la nuit. Si tu cherche un peu une balise, tu n'as qu'à surveiller les flashs. On doit prendre en photo chaque balise, d'ou les flashs.

Les 10 premiers  kilomètres passent tranquillement. Devant, il parait que ça court à 14 km/ heure. On les laisse s'exciter. On attaque la première colline, pour la première fois je me retrouve seul. On doit prendre une balise à l'intersection de deux ruisseau à sec. Sinon il y a un layon qui y mène. Tout le monde part à gauche, je tente le petit chemin, à droite. Une équipe se lance dans le ruisseau. Bon courage les gars, ça sent la grosse bartasse, votre choix. On ne les a pas revu, ils y sont peut être toujours...
En bas je retrouve mes deux caméléons. On galère  sur la balise avant de la trouver 200 mètres plus bas. On va encore courir ensemble 10 minutes, puis chacun part de son côté. On ne se reverra plus. La prochaine balise est au bout d'un mini tunnel. A la sortie, 4 équipes repartent en arrière en escaladant un pierrier. Ils font un 180° là. Je les laisse et part seul. Le jour se lève. On est parti depuis 2h15.

  Une nouvelle balise, Christophe est content. Ce qu'il ne sait pas encore c'est qu'il vient juste  de perdre son unique stylo (on doit marquer le code de chaque balise).

Une équipe qui arrive hésite puis m'en prête un. Je viens d'éviter le gros soucis là. Côté orientation, je prends toutes les balises facilement. A chaque fois j'arrive droit dessus.

Lever du jour sur la vallée de la Buèges, au fond on voit la Séranne dans la brume. Au programme, traversée de la vallée de l'Hérault (juste en dessous du photographe, une petite séance de CO dans la vallée de la Buèges, puis on monte sur la crête par la droite de la photo, et ensuite on se longe la crête tout du long.
Et elle est carrément longue... On a quatre cartes, mais je n'ose pas regarder la suite. C'est le genre de curiosité qui te mine le moral.
 Petite traversée de l'Hérault par le pont de Saint Etienne d'Issensac, puis dans la vallée de la Buèges, on monte sur une colline et on arrive dans un grand pré parsemé de fleurs. C'est super beau. La balise est au bout d'un muret. Voila la gueule du muret...

En fait trois pierres au pied d'un arbre, en pleine garrigue. Là Christian tu es dur avec nos petits cerveaux. Heureusement  j'arrive droit dessus. L'autre solo qui marche à côté de  moi passe de l'autre côté de l'arbre, sans la voir. Je le rappelle.

En sortie de poste, il part de son côté. J'oriente sans soucis et je prends tous les postes nickel. je lâche le solo et deux équipes.

On attaque la montée de la Séranne. Derrière, ça donne ça. Tout au fond, on voit le mont saint Baudille. On doit d'abord se taper toutes les crêtes à droite. Pour l'instant j'ai la boulette.

Ca grimpe dur. Ce qu'on prenait de loin pour de la brume se trouve être un bon gros nuage. On rentre dedans. Et là...
C'est cool je viens de trouver une nouvelle balise...
 c'est pas cool il se met à pleuvoir !!!

On est sur la Séranne. Plutôt que marcher sur la piste, je tente de couper par un petit chemin à droite. Au bout le CP1. Je bois tout ce qui me reste d'eau, il y aura des bidons au CP. Le chemin devient un layon dans les arbustes. Bien mouillés les arbustes. Je suis trempé. C'était peut être pas une super idée de le prendre. Surtout qu'il me parait bien long. Je commence à gamberger, tout seul comme un gland, perdu dans le brouillard. L'impression de perdre du temps. Voire d'être bien paumé. Je quitte le chemin et tente de retrouver la piste en bartassant. Sans succés. C'est un peu la honte mais je tente un "hého"au cas où le CP ne soit pas loin. Y a que le brouillard qui me répond... Je repars et soulagé, trouve finalement la balise. Sauf qu'il y a personne. Donc pas d'eau. Les boules. Je reprends le chemin de crête et miracle, le CP est installé à 300 m.

Il est 11h, ça fait donc 7 heures qu'on est sur le pont. On a fait un tiers du parcours !!! Je pensais avoir bien tourné et être dans les premiers solo. Là je prends une claque. Steph annonce qu'il ne reste que 3 solo derrière moi (on est 10 en tout) et 20 équipes (sur 30). Sur ce, deux des solo arrivent.

Je ne reste que quelques minutes, le temps de remplir mon camel et de prendre un ziplock de pâtes (avec l'aide de Steph).  Je speede et  repars vite. Tout content, avec mes papates.
 Les papates oui, la carte non. Je mets 10 minutes à m'en apercevoir. Double claque, il faut que je remonte la chercher. Des fois on se demande comment on peut être aussi con...

 J'accélère pour rattraper les deux mecs. Je les vois 300 mètres plus bas. Je m'excite tellement que je rate une balise. Grosse baisse de moral. Une demi heure plus tard, ils foncent dans une descente et me larguent. Je continue tout seul et arrive direct sur cette mare. A cet endroit, sans m'en rendre compte, je passe plusieurs équipes, dont ceux qui venaient de me larguer. Ils galèrent tous sur un petit chemin, sur la droite.
 Pendant une bonne heure, je suis seul au monde. Sur les crêtes, on voit loin, mais personne en vue, ni devant, ni derrière. Côté paysage, ça donne ça.
C'est magnifique. Mais ça commence à faire long. On est parti depuis 9-10 heures et là je commence à avoir de l'acide lactique dans les quadriceps. D'un seul coup j'ai l'impression d'avoir deux plaques de bois à la place de mes bons petits quadriceps. C'est un vrai bonheur pendant les descentes. Je commence à courir (quand je cours, parce que je ne vais pas vous faire croire que j'ai couru pendant 10h) comme un espèce de pantin à jambes raides. C'est ni technique ni efficace, et en plus ça fait mal...
Là dessus, le brouillard revient. Manque plus que la pluie. Rassurez vous c'est pour bientôt. Mais avant ça, Christian nous a fait le coup de la balise dans la grotte. Je ne peux plus me tenir accroupi. J'y vais en marchant à quatre pattes, comme un handicapé.
Dans une forêt, je perds 15 minutes sur un menhir bien caché. Une équipe et le solo reviennent  au contact. On repart sur les crêtes. UNe interminable suite de coups de cul. Ca devient vraiment long. Je ne peux plus du tout courir. Même marcher devient galère. J'ai plus d'eau à boire, mais côté humidité, pas de problème, il pleut suffisamment. 3 balises avant le CP2, c'est carrément l'averse. On est trempés, congelés.
 
D'un coup on voit deux solo qui remontent de la balise 47. J'entends "Oh Christophe". C'est Ludo, il se traine comme un canard, les jambes complètement raides, en s'appuyant sur ses bâtons. Je me fou de sa gueule, mais je ne vaux pas mieux: j'ai deux barreaux à la place des jambes et je n'ose même pas imaginer la gueule de mes pieds. On arrive au mont Saint Baudille, au CP2, balise 49.  Ca fait plus de 12 hures qu'on est parti. On a fait 61 km, il en reste donc 50. Sous la pluie, et bientôt dans la nuit. Il faut vraiment se faire violence pour repartir. Avec Ludo, on reste. Ca caille carrément. Dom est là, qui fait du feu. Il a même fait de la sousoupe et des chipos. C'est si bon.

Retour en camionnette. On ramasse encore un mec au bord de la route. Là on est plein, et les rotations des voitures balais n'est pas terminé. Je ne sais pas combien on fini la course, (si il y en a ) mais là je dis bravo.

A l'arrivée, il faut encore descendre de la camionnette et se trainer jusqu'à sa voiture. On dirait "la marche de l'empereur". Chacun sa technique. Ludo a un certain style, sur la pointe des pieds, les jambes complètement raides. Une nana avance de 10 cm a chaque pas. De mon côté, je me dandine comme un pingouin. Impossible de plier les jambes.  

24 heures plus tard, la sortie du lit, avec passage de la position allongée à verticale a été très sportive, mais je recommence à marcher. Sur le plat j'entends. Pour les escaliers, j'ai trouvé une technique originale: je les monte comme Moogli, les jambes et les bras tendus. Je suis aussi allé voir dans les chaussettes, aux dernières nouvelles, je n'ai que 7 ongles de cassés...

Christophe, le pingouin des canapés

10 commentaires:

le prez chipolatant a dit…

comment tu fais pour nous faire autant rire en racontant une telle épreuve...

Avec vos 2 récits , on commence à se rendre compte combien ca a été une partie de plaisir !

Anonyme a dit…

Comme Toph, je t'attendais au PC3... mais déçu je parti... seul Martial et Lionel on eu la gentillesse de venir jusqu'à nous...
Bravo maitre canaping car comme dit le prez non seulement votre périple mérite le respect mais en plus ton récit est croustillant
@+
Mart

Anonyme a dit…

AH Martin a retrouvé Lionel et Martial... Ne les ayant pas vu au PC2, je pensais que tu les avais perdus avec ta carte.
L'autre Christophe qui a fait les mêmes choix juste avant le PC1 et qui les a regrettés.

Fran C a dit…

Bravo, bravo à tous et à toutes.
Rien que de partir je dis bravo.

Moi, je crois que je serais même pas arrivé au PC1.

Pour ma part j'étais à l'arrivée et j'ai vu les premières arrivées, à pied (pas en camionnette) vers une heure du mat.

J'avais jamais vu des coureur dans cet état...

Je tiens à féliciter Jérome et Rémy des Granny, les raideurs montpelliérains qui sont arrivés second en équipe.

Et je cite Joel, arrivé premier mixte avec sa femme:
"on s'était bien préparés, mais pour un truc pareil, s'était pas assez"

FranCOmment vous faites un truc pareil? a dit…

Bravo, bravo à tous et à toutes.
Rien que de partir je dis bravo.

Moi, je crois que je serais même pas arrivé au PC1.

Pour ma part j'étais à l'arrivée et j'ai vu les premières arrivées, à pied (pas en camionnette) vers une heure du mat.

J'avais jamais vu des coureur dans cet état...

Je tiens à féliciter Jérome et Rémy des Granny, les raideurs montpelliérains qui sont arrivés second en équipe.

Et je cite Joel, arrivé premier mixte avec sa femme:
"on s'était bien préparés, mais pour un truc pareil, s'était pas assez"

Anonyme a dit…

J'ai tout compris dans ton récit puisque j'ai partagé les mêmes moments de bonheur et de souffrance. Merci pour cette bonne partie de rigolade tout seul, devant mon ordi !
J'étais le solo avec Ludo, je l'ai laissé au PC 2 et j'ai jeté l'éponge plus loin, au Pont du Diable, où j'ai croisé le ramassage en traversant un ruisseau, enfin, la route quoi...
Trempé, transis de froid et plus grd chose à bouffer, j'ai décidé d'éviter le clash, la saison est encore longue...
Au plaisir de te retrouver sur d'autres crapahuts et pitêtre à l'année prochaine là dessus ?

Anonyme a dit…

Bravo ,bravo et encore bravo à tous et toutes d'avoir surmonter toutes ces épreuves : physique,climatique et morale , tout donner pour arriver au bout! puis l'organisme vous rappèle à l'ordre.C'est 1 truc de fou cette affaire quand même!!!
Bonne récupération à tous .
A + JO

Anonyme a dit…

Bravo a vous tous.
Maintenant, les organisateurs doivent aller enlever toutes les croix orange.
Bonne chance a eux.

Unknown a dit…

Et les croix oranges, elles vont s'enlever quand ?

dom le cavernophile a dit…

chers amis spéléos, les croix sont en peinture biodégradable ( elle ont été déjà refaite 2 fois depuis le premier traçage en janvier ) et devrait disparaitre d'ici à qq semaines,ce qui à l'echelle géologique , avouez le n'est rien !
celle de la cisteragne ( à l'abri de la lumière) sera éliminé par l'organisateur dès qu'il ne sera plus en fauteuil roulant ( hernie discale et phlébite en cours )