mardi 1 novembre 2005

UN CAMELEON AU "PEÏ "DES MARGOUILLATS.


Récit de la balade de Michel et Jean-Paul sur la diagonale des fous 2005.
Jeudi 20 oct. Il est 23h30 lorsque nous quittons notre gîte de Manpany les bains situé au sud de l’île au bord de l’océan indien. Je n’ai pas pu dormir l’après midi comme je l’aurais souhaité car loris et son copain dont j’avais la garde ont chahuté toute l’après-midi. Le long voyage en avion, puis la voiture pour retirer les dossards ont accentué ma douleur au dos, mon osteo m’avais prévenu. Ce sont les filles qui nous emmènent en voiture, direction cap méchant à 2O minutes plus au sud. C’est de là que sera donné le départ de cette 13ième édition de la diagonale des fous. Nous avons de la chance car cette nuit de pleine lune est claire et douce contrairement aux nuits précédentes ou vent et pluie se sont abattues sur l’île (d’après les autochtones le printemps a 3 semaines de retard). Les filles nous lâchent à l’entrée du parc fermé interdit au public, les groupes de musiques et danses folkloriques sont déjà là et à pied d’œuvre. Nous prenant en photo sous la banderole du départ nous échangeons quelques mots avec Patrick MONTEL (monsieur athlé) présentateur sur France 2, il est venu couvrir l’évènement et fort sympathiquement il tient à donner son avis à Sylvie qui prend quelques photos sur l’angle de prise de vue. Il nous fait part de l’émotion qui se dégage en ces lieux et qu’il ressent très fort, il sait et nous aussi savons, nous allons vivre un grand moment. Il nous traite de « fous » et nous souhaite bonne chance. Peu de concurrents sont arrivés pour l’instant nous sommes à H-2 et nous ne faisons pas la queue pour le pointage code barre avec infrarouge du dossard et contrôle (très sérieux) des sacs. Nous attendons patiemment assis sur un banc du ravitaillement à l’autre bout du stade d’où sera donné le départ aux flambeaux et percussions. Je ne ressens pas de stress comme pour les autres courses, car je sais que pour moi contrairement à ceux qui jouent une place ou un temps ça ne va pas partir vite. Je considère que c’est une grande chance d’être là avec tous les ennuis physiques rencontrés cette année pendant ma préparation. Grâce aux informations inscrites sur les dossards nous pouvons savoir d’où viennent les concurrents et en profitons pour faire connaissance. H moins 10 minutes les tam-tam ont laissé place au directeur de course, celui-ci appelle les dossards prioritaires et nous donne les dernières recommandations. A ce moment précis je lance à Michel « ce coup-ci on y ait. » Vendredi 21 oct. 1H58 à ma montre le départ est donné, je n’ai volontairement pas mis le chrono en route car pour nous l’objectif est clair : « Il faut gérer pour finir ». Alors que nous apercevons les premiers s’élancer comme pour un départ de 10 000m, nous piétinons sur place un moment puis nous partons. Pour ne pas se faire aspirer par les premiers nous nous sommes placés volontairement en queue d’un peloton de 21OO participants. Les 3 premiers kms de route goudronnée sont bordés par la foule venue nombreuse nous encourager malgré l’heure tardive. Nous avons pris l’option sur cette portion de trottiner et je tiens Michel par son sac à dos pour ne pas le perdre. Le début du parcourt longe l’océan, une forte odeur d’iode nous remplie les poumons. La route est vallonnée et cela nous permet de voir au loin, très loin, car les premiers concurrents ont déjà allumé leurs frontales. Je me retourne pour constater que nous sommes pas les derniers.. Au lieu-dit LE BARIL nous bifurquons à gauche, un panneau indique « RF mare longue sentier botanique » la route laisse place à une large piste forestière au milieu des cannes a sucres, en faux-plat montant. Tandis que certain continuent de courir, nous nous mettons à marcher. 1h 30 de course et 17kms plus tard, premier pointage et ravito. Tout va bien je me sens un peu mou mais pas du tout fatigué et mieux encore ma douleur au dos a disparu. A partir de là nous entamons une longue ascension 7km à 23% moyen avec des passages à + de 25% .Un sentier très technique composé de racines et de boue. Les premiers bouchons se forment, par moment nous restons plus de 1O minutes immobiles, il est très difficile de doubler et cela demande beaucoup d’énergie, on en profite pour récupérer. C’est là que faisons la connaissance d’Annlyse, nous nous retrouverons souvent sur le parcourt. Elle s’est mise au trail depuis peu, elle fait la course avec son mari. Elle finira le grand raid 6mn derrière nous « chapeau bas ! » Et à peine 2 h après son mari qui la lâchement abandonné au volcan. Le jour se lève enfin, il nous aura fallu plus de 4 heures pour venir à bout de cette montée (+ 1600m) et déjà les premiers concurrents partis trop vite sont accroupis au bord du chemin. Il reste des cristaux de glace par terre, il a du faire très froid cette nuit. Devant nous à quelques enjambées, le puits du volcan altitude 2200m et derrière l’océan : magnifique ! Il nous faudra encore une heure de sentier sur la crête pour atteindre le premier gros ravitaillement de la route du volcan 7h47, 5H47 course 1302ième. Pour compenser mon manque de mobilité du bassin je pousse plus sur ma jambe gauche et une petite contracture est apparue au mollet gauche. J’essaie de me faire masser, mais les toubibs sont envahis par les concurrents en difficultés. Nous décidons de ne pas attendre et de repartir après avoir « fait le plein.» Nous sommes frais et entrons dans la plaine des sables en alternant marche et course. Devant nous à perte de vue se dresse une colonne de poussière soulevée par les concurrents et balayé par un vent d’Est faible. Le spectacle est grandiose, les roches volcaniques sont de plusieurs couleurs, vertes, rouges, oranges en passant par le jaune et certaines scintillent au soleil. La fin de la plaine des sables est marquée par un mur de 240m. tout en haut à 2400m, l’oratoire de sainte Thérèse, c’est le point culminant du parcourt. Alors que nous approchons de cet obstacle je ne distingue pas encore les casquettes blanches sahariennes sillonnant ce mur abrupt et je me demande par où ils vont nous faire passer. Cette ascension sera plus impressionnante que difficile. Une fois passé ce col, nous déroulons sur un sentier rappelant par sa couleur ceux du Salagou jusqu’au prochain ravito. Piton textor annonce l’entrée de la plaine des cafres, nous sommes passé de la roche volcanique aux sentiers de terre au milieu des champs où des vaches paisibles nous regardent passer. On pourrait se croire en Lozère en Margeride si des petits palmiers n’étaient pas présent partout. Nous trottinons depuis un moment sans ressentir de fatigue et remontons beaucoup de concurrents dans cette partie facile jusqu'à : Mare a boue 12H24, 10H24 de course 1070ième. Ce ravito est tenu par des militaires de la F.A.Z.S.O.I, de la caserne Lambert à ST DENIS, c’est toujours rassurant dans ce contexte de les voir s’agiter pour nous. Eux savent ce que c’est que l’effort et autant vous dire que c’est du costaud, Poulet grillé, pain, pattes, soupe, fruits secs etc…il faudra être bien alimenter pour affronter ce qui constitue le deuxième test sérieux du grand raid : coteau maigre et surtout le coteau de Kerveguen, interminable sentier pierreux boueux racineux, imaginez la fin de la montée du Pic st Loup après une averse mais en beaucoup plus long. 3h de grimpette la fatigue se fait sentir, beaucoup de concurrents chutent. J’atteins le sommet situé a 2200 mètres sans trop de difficultés, j’affectionne ce genre de chemin technique. Celui-ci domine le cirque de Cilaos, malheureusement le froid et le brouillard m’empêchent de voir grand chose. Michel en bon grimpeur m’a un peu distancé en temps normal j’aurais essayé de le suivre mais la route est longue encore. Il m’attend prés d’un groupe de musiciens venus mettre de l’ambiance. Ces sommets de col sont grandioses, ils ressemblent un peu ceux du tour de France, tant la foule s’amasse nombreuse. A un détail prés, nous montons beaucoup moins vite et nous ouvrons grand la bouche pour respirer. Les gens nous appellent par nos prénoms, ceux-ci sont écrits en grosse lettre sur nos dossards et cela fait chaud au cœur. Tout au long du parcourt nous serons surpris de trouver des spectateurs au milieu de nulle part, certains groupes vont camper pendant trois jours. Nous ne nous attardons pas car nous voulons arriver à Cilaos la moitié du parcourt en distance avant la nuit. Nous entamons une descente qui restera pour moi d’anthologie. Moins 1000m de dénivelé soit 20% en une heure de temps dans une forêt de cryptomerias. Nous avons juste le temps de remarquer une plaque fixée sur un rocher à la mémoire je crois d’un concurrent. Dans ces conditions, difficile de lire et de toute façon il ne faut pas se déconcentrer, par moments nous sommes obliger d’emprunter des échelles, tellement le sentier est abrupt et glissant. Nous pensons être arrivés à la fin de notre première étape et bien non. Après une heure de descente alors que village semble tout proche le parcourt emprunte un sentier technique qui descend dans la ravine de bras de benjoin avant de remonter de l’autre coté. Un contrôle de passage nous attend car la tentation est grande de relier directement le stade de Cilaos ou se tient le 3ième gros ravito. A ce moment précis après 15H22 d’efforts nous sommes classés 926ième. Nous ne sommes pas très fatigué, les masseurs nous le confirmerons plus tard en nous disant que nos pieds sont en très bon états et nos muscles souples contrairement a beaucoup d’autres passés avant nous. Malgré tout comme prévu nous décidons de faire une grosse pause. Lavage, massage, restauration, 1H30 de demi-sommeil sur des lits picots installés dans des tentes de l’armée prisent d’assaut par les concurrents fatigués. Certains n’en repartiront pas. Nous sommes a 1200m d’altitude et le froid accentué par la fatigue est tombé avec la nuit, il faut se faire violence pour repartir de dessous les chaudes couvertures de laines alors que nous avons fait à peine la moitié du parcourt et lorsqu’on sait ce qui nous attend. 4 heures d’arrêt au total, il est 21h 24, après nous avoir re-contrôlé les sacs nous quittons Cilaos, nous sommes pointés 1143ième soit 217 personnes sont passées devant. Nous récupérons le GR après être passé devant les anciens thermes descendons vers source aux piments et cascade bras rouge avant de remonter et de traverser la route d’îlet à corde où se tient un petit ravito. Au programme le célèbre col du Taïbit. Dans la montée du col la stupeur et le doute m’envahi. Certains concurrents font demi-tour « c’est trop dur je ne prends pas le risque dans Mafate dans cet état ». Alors que nous continuons de grimper ça et là des concurrents enroulés dans leurs couvertures de survie sont allongés au bord du sentier. Pratiquement à chaque épingle du sentier tortueux nous rencontrons des déchets de barres énergétiques au milieu de flaque de vomi. Nul doute que ce sentier laissera des traces dans les organismes, comme dirait mon ami GOUDGOUD, « il va nous secouer la paillasse »et il valait mieux l’aborder en bon état physiquement. En plein milieu du col dans un endroit improbable, des bénévoles ont fait du feu et des tisanes. Nous ne nous y attardons pas car à en juger l’épaisse fumée qui sort de notre bouche à chaque effort, il ne fait pas plus de 2 ou 3°. Au sommet du col un panneau au milieu des acacias annonce le premier village du cirque de Mafate : Marla à 40 mn, il nous faudra plus d’une heure de descente a 30% et quelques marches pour l’atteindre. Samedi 23 oct. Il est1H44 du matin 23H44 de course 923ième. A l’approche du ravito, un spectacle peu commun donne lieu a un curieux mélange de sentiments. Nos frontales se reflètent sur des centaines de couvertures de survies. Allongés à même le sol les concurrents pris de fatigue et de froid n’ont pu trouver refuge a l’intérieur du ravitaillement. Je suis partagé entre la joie de ne pas subir ce sort et de la peine pour ces concurrents dont la plupart resteront là. Michel et moi nous faisons straper les genoux car la descente a laissé des traces. Nous quittons MARLA en enjambant pour la première fois la rivière des galets. Il n’est pas rare de marcher au milieu de fleurs de plus d’un mètre de haut appelées « arum ». Les sentiers à l’intérieur du cirque sont la plupart du temps composés de traverses de tronc de 1 mètre de large qui laissent penser que le sol est souvent boueux. Le relief y est assez plat, c’est la plaine des tamarins. Malgré l’obscurité grâce à nos lampes nous devinons une végétation luxuriante, de temps à autre nous entendons des bruits bizarres dans les fougères. Alors que certain s’acharnent à marcher sur ces rondins au risque de glisser sur le bois humide, nous choisissons de marcher à coté jusqu'à la Nouvelle. Ce ravito est au centre de Mafate il est 4H09, 26H09 de course. Un pied devant l’autre nous marchons au fond du cirque et le jour se lève enfin, cela fait plus d’une heure que je lutte contre le sommeil, je demande à Michel de continuer à me parler pour ne pas tomber et m’endormir. Je repense à toutes ces heures d’effort accumulées ces dernières années, à l’entraînement comme en course, seul ou en équipes avec les Caméléons, par tous les temps, sur terrains de jeu divers et variés. A la traversée de la Corse par le GR 20 avec mes deux copains guides Patrick et Fabrice qui avaient fini de me convaincre de participer à la diagonale. C’est cette somme d’expérience qui fait que je suis encore là, un grand raid c’est sur, ça ne s’improvise pas ! Je pense tellement fort que j’ai l’impression qu’une voix est à mes cotés, c’est ça : je suis en balade avec moi-même. Est ce le début de la folie ? sméagol ou golum ? Une belle glissade sur une marche (une de plus) me ramène à la vie, nous arrivons à trois roches. Les organisateurs ont tendu une corde pour traverser le gué, celle ci n’est pas assez tendue et je ne prends pas le risque de m’en servir. Je ne tiens pas a me mouiller les pieds, pas maintenant. Au ravito de roche plate 7h13 du mat, 29h13 de course, 762ième. Le soleil est entré dans le cirque et l’envie de dormir à disparue. Nous entamons la montée au milieu des Filaos sur Ti’ col la brèche. Il nous offre une superbe vue sur les îlets (petits hameaux perchés sur des plateaux) aux orangers et lataniers. On a l‘impression en regardant le relief que les montagnes ont été taillé a coups de hache. Pour l’occasion les gens ont sorti leurs sonos et la musique raisonne dans le cirque. Nous rentrons maintenant dans les gorges de la rivière des galets. Se succèdent, sentiers en corniches, passerelles, nous avons encore la force de courir et lorsque l’hélicoptère vient nous filmer à la sortie des gorges, pas question de s’arrêter. Au terme d’une descente rapide le long d’une conduite forcée, nous franchissons « la passerelle de Cayenne », pour remonter de l’autre coté. Il commence à faire très chaud le long des parois rocheuses, je me dis que le même sentier dans l’autre sens au même moment de la journée aurait été très pénible. La rumeur dira plus tard que certains ont coupé en suivant la rivière des galets que l’on traversera plusieurs fois. Tant pis pour eux ils auront loupé la vue depuis la dernière passerelle « bras d’Oussy » celle ci est impressionnante, 100 mètres au-dessus du vide, et auront manqué le contrôle juste après. Ensuite on redescend par un faux plat sur 4 km jusqu’au dernier gros ravito de Mafate : deux bras. C’est ici que l’on choisit de faire notre 2ième et dernière halte sérieuse, massage, plat chaud « rougail saucisses » repos 1h30. Cela fait 35h20 que nous sommes partis et les habitués nous disent qu’il faut compter 8 heures pour finir, je ne sais pas comment le prendre, puis je me dis qu’on va faire ce qu’on fait depuis le début, mettre un pied devant l’autre et le temps fera le reste. La montée de 900 mètres sur dos d’âne pour sortir du cirque de Mafate se fait sans trop de soucis, nous avons choisi de suivre des créoles qui avaient un bon rythme, et puis on commence à y être habitué. Ces deux créoles là sont les seul depuis le début a ne pas répondre au téléphone pendant l’effort, la plupart d’entre eux n’arrêtent pas d’appeler ou de se faire appeler et je dois admettre que ça m’agace. Au ravito de dos d’âne un parfum de réussite flotte dans l’air, on peut lire sur nos visages comme un sentiment de satisfaction, c’est énorme ce qu’on est en train de faire. Nous venons de passer la dernière grosse difficulté nous sommes au KM 121, 37h18 de course et 722ième et, comble de bonheur, ce village est accessible en voiture, ma petite famille et nos amis nous ont fait la surprise de nous rejoindre. Ils ont suivi la course en temps réel sur Internet et savaient où nous trouver. 15H18 nous quittons dos d’âne super motivés, l’ascension de piton fougère + 500 m n’est qu’une formalité. Ce qui l’est moins c’est le sentier en crête qui le prolonge. Celui ci est constitué de racines sur lesquelles la terre s’y est déposée et on a l’impression de marcher sur un trampoline. Il ne fait pas plus de 2 mètres de large et lorsque je m’arrête pour contempler la vue je suis pris de vertiges. A partir de là nous courrons, ce sentier en crête est très plaisant, nous remontons sur beaucoup de concurrents, certains sont éclopés et marchent à l’aide de bâtons ou d’une autre personne, tel des zombies, beaucoup ne nous répondent plus lorsqu’on leurs parle et je me demande dans quel état ils vont finir. Au ravito kiosque affouche on nous annonce qu’il reste que 12kms. Une des leçons que nous retiendrons c’est de ne pas raisonner en km et de ne pas écouter les gens, à part les officiels, qui vous annoncent un temps ou une distance qu’il reste à parcourir. 18H55, 4OH55 de course 657ième nous entrons dans Colorado Nous avons dépassé 486 coureurs depuis Cilaos incroyable ! ma famille et nos amis nous y attendent, c’est le dernier pointage et ravito avant l’arrivée. Les médecins de l’organisation nous observent rapidement, tout est OK. Si notre état avait été jugé insatisfaisant, nous aurions été contraints à l’abandon. Malheureusement cela arrivera à d’autres. Nous entamons l’interminable descente sur ST DENIS 5kms à 12%. En temps normal il faut à peine 1 heure pour descendre, on mettra presque le double. Michel se plaint depuis un moment de son genou et boite de plus en plus. Quant à moi tous mes os me font mal comme si j’avais la grippe, signe de grosse fatigue. Cette descente dans l’état ou nos sommes est très dangereuse (je comprends mieux le contrôle plus haut). Pour la première fois je maudis l’organisateur. Je repense à ce que m’ont dit certains coureurs ayant déjà fait cette épreuve « tant que t’es pas à la redoute t’es pas arrivé" par moment nous apercevons le stade, avec ses gros projecteurs on peut pas le louper. Il semble tout proche et ça n’en fini pas de descendre rocher après rocher, marche après marche. A chaque fois ne nous pensons toucher au but une épingle nous renvoie à l’opposé. C’est dans une des dernières épingle qui surplombe le stade que nous décidons de faire une halte. Je sors de mon sac une fiole de rhum que j’avais emporté et nous la dégustons en savourant ces derniers instants de course en duo. On peut voir pratiquement tout st Denis ainsi que l’océan. Un curieux mélange de sentiments se fait sentir, nous sommes heureux d’en finir et en même temps c’est la fin de l’aventure. Que la vie nous donne encore la force de vivre des moments aussi intenses, que va t’on pouvoir faire après çà pour se procurer autant de sensations ? 2OH42 nous entrons sur la redoute, nous ne saurons jamais si c’est l’effet du rhum ou de l’arrivée, nous ne sentons plus la fatigue ni la douleur. Encouragé par des centaines de personnes, je tiens Michel par l’épaule, le stade est en fête depuis l’arrivé du premier concurrent et le restera jusqu’au dernier. Cracheur de feux, joueurs de tam-tam, fakir sont actions, le speaker a du mal à se faire entendre, c’est vraiment l’évènement sportif de l’année. Si je devais qualifier en un mot cette épreuve je dirai simplement « énorme. » Je prends Michel par la main et nous réunissons tout ce qu’il nous reste de force pour trotter les 200 derniers mètres de piste en terre battue les bras en l’air, Loïc et Loris mes deux garçons courent à mes cotés j’en ai les larmes aux yeux je suis heureux. Après 146kms, 8500m de dénivelé +, 42H42 d’efforts, nous venons de finir notre premier Grand Raid un des plus dur depuis sa création avec 700 abandons soit 38%, et nous sommes 664ième.
Voilà l’histoire des dossards 54 et 239, deux héros anonymes parmi tant d’autres. Car de l’avis des initiés et des gens de l’île, tous ceux qui finissent le grand raid sont des héros. C’est aussi la balade et la belle aventure de deux bons amis unis par le sport depuis plus de 10 ans, à l’autre bout du monde par deux nuits de pleine lune. Merci Michel.

Jean-paul ANDRE